Χρόνια πολλά !
J'évoque ici le poignant poème de Cendrars pour parler de pâque, car le récit de ses aventures, réelles ou surtout imaginaires, m'a souvent fait voyager, notamment avec "Bourlinguer".
C'était donc "ma pâque" à Amorgos. Car ce n'était pas le hasard qui m'avait emmené en Grèce à ce moment là avec le vélo bleu. J'avais choisi cette période, celle de la pâque orthodoxe, la "Megali evdomada" c'est à dire la grande semaine ou plutôt la semaine sainte. Un moment de l'année important dans la vie des grecs où ils se retrouvent souvent dans leur village d'origine.
Au delà du fait religieux, pâque est donc la grande fête de l'année où on offre à ses proches des œufs peints en rouge, en guise de porte-bonheur
et il n'y a pas une île, pas un village, pas une famille sans l'agneau à la broche le dimanche pascal.
Quelques jours plus tôt, le vendredi saint quand la nuit tombe, se déroule une émouvante procession avec l’épitaphe. Elle est décorée de fleurs et symbolise le tombeau du Christ.
À la sortie de l'église, au moment où la procession avec l'épitaphe commence, il faut voir les jeunes du village bondir de ruelles en ruelles avec pour mission d'allumer un à un les flambeaux qui jalonnent le trajet du cortège.
Après une longue célébration, le samedi à minuit les cloches sonnent, on allume des cierges et il y a un grand feu d'artifice.
À Amorgos, du haut de l'église de Potamos qui surplombe la baie en amphithéâtre d'Aegiali sur la mer Egée, c'était un spectacle magique. Les sons des cloches et des feus des villages de l'autre côté de la baie répondaient en écho à ceux de Potamos. Et le dimanche midi c'était la fête autour de grandes tablées avec bien sûr l'agneau à la broche. Les Grecs dansaient, buvaient au son du "rebétiko" et la fête continuait tard dans la journée.
Et puis au moment de se saluer, on entendait "Χρόνια πολλά" (Chrónia pollá) c'est à dire "beaucoup d'années", suivant le cas, "bonnes fêtes" ou "bon anniversaire", ou alors "Chrónia pollá kai kala" : "de nombreuses et bonnes années".
Les feux d'artifices s'étaient tus, des guirlandes de cierges descendaient vers la mer Égée, il était tard et temps cette nuit du 28 avril 2019 de contempler d'autres lumières propices aux rêves : les étoiles.


S'encourageant mutuellement - enfin c'est surtout Claire qui m'encourageait avec l'énergie de ses 20 ans - c'est à bout de souffle et affamé qu'après 80 km contre le vent j'ai enfin rejoins l'hôtel.
Le lendemain j'ai continué la route vers Corinthe et son canal, puis le port du Pirée où j'avais rendez-vous avec le "BlueStar" pour Amorgos.
Au départ d'Ancona, j'avais un billet en classe "pont", mais au final j'ai pu m'installer
à l'interieur du ferry pour la nuit, entre les rangées de sièges avions.
Heureusement, car il faisait frais et le pont était recouvert d'un film poisseux de mazout mélangé d'embruns, qui rendait le bivouac marin peu agréable et salissant.

La journée de mercredi a permis de faire une vingtaine de Km dans les hauteurs d'Ancone, et de trouver un marchand de vélo pour faire quelques ajustements concernant les bagages et la bicyclette... J'y reviendrai dans un billet consacré au vélo.